Si vous avez été actif sur les réseaux sociaux au cours des dernières semaines, vous êtes certainement déjà vous êtes tombé sur une vidéo d’un influenceur parlant d’un produit, lui donnant un avis négatif et disant à ses followers de ne pas l’acheter. Jusqu’ici, rien d’anormal. Pourtant, en faisant défiler votre fil, vous avez pu constater qu’un nombre croissant de vidéos similaires, mentionnant beaucoup de marques ou de produits, étaient publiées par des créateurs et invitaient leurs followers à fuir ces articles à tout prix.
Mais des d’influenceurs ne sont-ils pas censés faire tout le contraire ? En vérité, ils empruntent juste une toute nouvelle voie : bienvenue dans le monde de la #désinfluence.
Qu’est-ce que la désinfluence ?
À l’instar d’autres phénomènes de mode, la désinfluence a été lancée par un hashtag sur TikTok. Elle permet de prendre le contrepied des influenceurs traditionnels en rejetant, purement et simplement, les articles ou les produits tendance et généralement onéreux qu’ils promeuvent. « Contreinfluence » est le néologisme qui colle le mieux à cette mode encourageant les internautes à ne pas jeter leur argent par les fenêtres.
D’aucuns pourraient affirmer que cette tendance n’a rien de révolutionnaire, mais il ne s’agit pas d’un phénomène isolé : rien que sur TikTok, la recherche du hashtag #désinfluence donne plus de 150 millions de vidéos, et ce n’est que le début. Il est évident que les utilisateurs des réseaux sociaux apprécient particulièrement ce type de contenu.
Pourquoi cette popularité ?
La montée en flèche de la désinfluence est le résultat d’une combinaison de facteurs au cœur de l’environnement actuel de marketing d’influence.
Il est indéniable que les répercussions post-pandémie et l’instabilité économique ont eu un réel impact sur les consommateurs. Pour beaucoup, les revenus disponibles sont un sujet de préoccupation, car l’augmentation rapide des prix sur des marchés stratégiques, américains par exemple, est bien réelle. La revendication d’une démarche moins consumériste a donc plus de chances d’être bien mieux accueillie qu’une autre promouvant les achats à tout va ou les dépenses élevées.
L’influence du FOMO sur les décisions d’achat ne doit pas non plus être prise à la légère, et notamment chez les jeunes, lesquels représentent la majorité des audiences sur TikTok. Le FOMO (acronyme de Fear Of Missing Out, ou « peur de rater quelque chose » en français) fait référence à une anxiété sociale que peut ressentir un individu qui décide de ne pas acheter un produit ou de ne pas participer à un évènement en particulier. Malheureusement, si la plupart des produits promus par les influenceurs sont des articles haut de gamme (p. ex., Dyson Supersonic, Airwrap, Drunk Elephant, Tatcha, etc.) faisant office de signe extérieur de richesse, ils sont également hors de portée du consommateur lambda. En se portant garante de leur décision (consciente ou non) de ne pas se procurer un produit surcoté, cette tendance rassure les utilisateurs des réseaux sociaux, tout en les incitant à regarder plus de vidéos similaires.
La désinfluence est un phénomène en vogue, car les internautes apprécient le sentiment de proximité avec les créateurs. Des similitudes entre audiences et influenceurs permettent de resserrer les liens, et donc, d’améliorer l’engagement avec les publications. Quoi de mieux pour inspirer confiance qu’une personne qui vous explique que l’achat d’un produit de beauté hors de prix est inutile ?
Quelles conséquences pour le marketing d’influence ?
La désinfluence n’est jamais qu’un mot à la mode et une nouvelle manière d’influencer le comportement des consommateurs.
Si ce phénomène semble, au premier abord, décourager les achats, il incite en réalité à l’adoption d’une consommation alternative. Un créateur peut effectivement vous dissuader d’acheter une crème pour le visage à 100 €, mais il vous proposera généralement une alternative moins chère sur Amazon : au final, les internautes sont quand même invités à consommer.
On sait que les audiences sont plutôt favorables aux influenceurs qui passent pour courageux ou transparents en s’élevant contre des produits populaires surcotés. Sachant cela, les créateurs auraient tout intérêt à adapter leur contenu afin de surfer sur cette tendance en vue d’inspirer confiance et d’établir une base d’abonnés fidèles. Un influenceur connu pour critiquer ouvertement certains produits à la mode met tous les atouts de son côté : il passera pour quelqu’un de crédible la prochaine fois qu’il fera de vraies recommandations.
Les marques plus petites et plus abordables bénéficient d’une occasion en or de collaborer avec des influenceurs réputés pour leurs pratiques de désinfluence et pour l’honnêteté des contenus qu’ils publient. Le fait de s’associer à des influenceurs de confiance avec un taux d’engagement élevé est une priorité absolue pour la plupart des marques : elles savent qu’il est plus que jamais nécessaire de tirer parti des recommandations d’influenceurs pour améliorer la notoriété de la marque et mettre leurs produits sur le marché auprès de leur audience cible. Des marques bon marché, qui travaillent avec ces créateurs de niche, pourraient se positionner en tant qu’alternative légitime à un produit sous le feu de la critique.
Au final, la désinfluence modifie simplement la manière dont les marques et les créateurs vont utiliser le marketing d’influence, et n’est donc pas forcément de mauvais augure.
Ce phénomène est-il parti pour durer ?
Il est difficile de répondre à cette question. Cependant, il faut avant tout prendre en compte les domaines où la désinfluence connaît une forte popularité. Si ce sujet est brûlant sur TikTok et est repris dans quelques vidéos YouTube, sur Instagram, moins de 1 000 publications contiennent le hashtag #désinfluence. Instagram étant toujours l’espace privilégié pour le marketing d’influence, il ne semble pas (du moins, pas encore) que cette tendance aura des répercussions au niveau marketing sur la plateforme.
Seul le temps nous dira si la désinfluence aura un impact sur le comportement des consommateurs. Les tendances TikTok sont volatiles et sans cesse remplacées par de nouveaux sujets. Ce phénomène étant principalement concentré sur la plateforme, il y a de fortes chances que sa popularité batte de l’aile au cours des prochains mois.